Humain, trop humain
Comment l’être-humain est devenu être-humain, je l’ignore, mais il existe des explications scientifiques, rationnelles et tangibles.
Comment l’être-humain est devenu inhumain, je l’ignore.
13-04-2019 Turin
Garde-fou
Le printemps à du mal à démarrer cette année.
Tant mieux car les ni les jeunes filles en fleur, ni leurs ombres ne sortiront pour flâner cette année. Elles faneront confinées sans que l’on ai pu les effleurer.
Faute de jolies fleurs, des géraniums en pot pendus aux barreaux sales de fenêtres sales sont les rares témoins d’un difficile changement de saison. Ils sont exécutés sans pitié devant des trottoirs vides sans un regard mesquin pour assister à leur sacrifice.
Les presque-femmes aux fesses libres et les demi-hommes aux tétons apparents, accueillent les ramassis du soleil derrière leur garde-fou.
« Garde-fou »
Cet objet n’a jamais mieux porté son nom qu’en cette période de confinement.
Les politiciens devraient s’en servir pour leurs déclarations solennelles :
« Citoyens ; protégez-vous et protégez vos proches, n’outre-passez pas vos garde-fous ! »
La police comme moyen de dissuasion :
« Toute tentative d’escalade de garde-fou sera sévèrement réprimandée.»
Les médecins comme nouveau jargon :
« C’est moi qui fait la nuit ce soir, je suis de garde-fou »
Les travailleurs sociaux comme campagne de sensibilisation :
« Je protège mon enfant, je le garde-fou ».
Les militaires comme injonction
« Rompez. Demi-tour … GARDE-FOU ! »
18-04-20 Turin
Chômage forcé
Un acteur qui ne joue pas.
Un peintre qui ne peint pas.
Un musicien qui ne musicionne pas.
Un danseur qui ne danse pas.
Deviennent de détestables personnes.
Croyez-moi, je sais de quoi je parle.
15-02-2020 Turin
Vivre sans 4G ?
N’allez nulle part sans un smartphone, vous risqueriez :
- de vous perdre
- de vous ennuyer
- de vous sentir seul(e)s
- de vous débrouiller par vos propres moyens
C’est drôle.
C’est exactement tout ce que je recherche.
27-10-19 Turin
Le mistral, la mondialisation et les canards
Je ne ferai pas long feu en Italie si je n’apprends pas à être en retard.
Mon sens de la ponctualité et de la précision ont – paradoxalement – tendance à me nuire et je me confonds souvent en longues attentes au point de rendez-vous. Il faut donc que j’apprenne à aimer attendre car l’on découvre bien des choses dans l’attente.
Par exemple, depuis hier, un vent inhabituel souffle sur la cité Piémontaise qui, jusqu’ici, n’avait jamais considéré pertinent l’utilisation du mot "mistral" (vent de de secteur nord-ouest à nord, typique de la Provence et du Languedoc).
Mais c’est bien de mistral dont il s’agit. Je me sens en février dans le nord de l’Italie comme si j’étais dans le Luberon au début du printemps. La mondialisation a cela d’universel que mêmes les vents bénéficient d’accords de libre échange. Les rivières se mélangent, les terres se déplacent, les routes s’embrassent.
Dans sa grandeur, l’être humain imite la nature et l’on peut se sentir chez soi partout ; du Coca-Cola aux plastiques qui dansent sur les fleuves, plus besoin de voyager ! Il suffit de rester où l’on est, et c’est partout pareil. On peut voir des canards qui s’étouffent avec nos restes de frites aux quatre coins du globe.
L’attente me réussit. Je découvre les merveilles du monde :
le mistral, la mondialisation et les canards.
4-02-20 Turin. Italie.
Histoire sans passé
Hier je pioche la terre, la retourne de ça, de là pour y planter quelques menues patates qui gèleront plus tard, oubliées dans la grange par mégarde (fait avéré avec la précédente production de patates).
Liste non-exhaustive des trésors que cachaient le labour :
- un peigne en nacre
- une seringue en verre
- une semelle de chaussure (en plastique)
- une clef
- une serrure
- un stylo bille
- des tessons de bouteille de verre
Je tirais les conclusions suivantes : ou les habitants de cette maison étaient d’élégants (peigne en nacre) drogués (seringue en verre), ou bien vécut ici un poète serrurier (serrure) qui avait des amis qui étaient d'élégants drogués, ou bien encore le propriétaire qui était un cordonnier (semelle) alcoolique (tessons de bouteille) louait sa maison à un poète serrurier qui invitait d’élégants drogués à venir dans la maison qu’il louait au sus-nommé propriétaire cordonnier-alcoolique.
Ce qui m’apparaît évident après tout cela, c’est que le passé est un mystère et l’archéologie un travail difficile.
30-04-2020. Bourcet. Italie
Tant pis.
Aujourd’hui j’ai cru apercevoir un rayon de soleil.
Je l’ai loupé.
Tant pis.
2-04-20. Turin. Italie.
Monde parfait
Des adultes imparfaits font des enfants imparfaits, qui, à leur tour, feront de leur mieux pour engendrer des progénitures imparfaites en vue de perpétuer l’imperfection de l’humanité.
Tout cela me semble parfait.
7-04-20. Turin. Italie
(se) Laisser tomber
Une goutte d’eau.
Sur une branche.
Hésite à tomber.
Se ravise.
Finalement ;
elle n’est pas si mal où elle est.
2-05-2020. Bourcet. Italie
Lever le voile
Pour une femme musulmane qui avait décidé de ne revêtir que le simple foulard (et non le voile intégral), le port obligatoire du masque chirurgical est une petite tragédie.
La voilà qui se retrouve, sécurité oblige, avec le visage complètement couvert.
Ce que les acquis sociaux nous offrirent en liberté, l’hygiène et la sécurité nous l’ôtèrent.
18-04-2020. Turin. Italie
Vertu citoyenne, respect des lois
Et William Shakespeare d’affirmer dans un ouvrage qui m’échappe
« il y a plus de mystères dans la réalité que dans l’ensemble de nos rêves ».
Et moi de découvrir, au détour des rues pluvieuses du printemps turinois que le prophète du théâtre anglais avait fichtrement raison.
Hier, rue Berthollet (à Turin donc) alors que j’errais clandestinement feignant d’être sortie pour un « motif impérieux », je croise un homme – le genre qui a fait des trottoirs de la ville, sa demeure principale - qui se lave consciencieusement les mains à la bière.
Je continue ma course et réalise un peu plus loin cette vérité glaçante parce que méconnue du plus grand nombre:
cet homme est un génie!
Il applique les règles sanitaires à la lettre :
IL SE LAVE LES MAINS AVEC DE L’ALCOOL !
Quelle classe. Quelle vertu. Quel sens épique de la réalité.
Si tous les citoyens avaient son sens du devoir !
Le vieux Bill avait raison; il y a davantage de mystères dans la crue réalité des coins de rue que dans nos rêveries les plus loufoques.
Je le félicite secrètement et prie pour que sa droiture ne le mène pas à sa perte. Il serait fâcheux qu’il persévère dans l’application disciplinée des lois et que par cohérence et loyauté il descende cul-sec une bouteille de gel hydroalcoolique.
21-04-2020. Turin. Italie
Déformation professionnelle
Mon patron, éleveur de vaches laitières et producteur renommé de raclette, ne peut s’empêcher de s’adresser à moi en ruminant un chewing-gum.
Le travail rend libre.
28-05-2020. Crans Montana. Suisse